Le 16 septembre dernier, comme une pluie en pleine saison sèche, les Togolais ont été surpris par un communiqué signé du Chef de l'Etat et lu à la Télévision Togolaise (TVT) par le ministre de l'Economie et des Finances Sani Yaya. Le contenu du communiqué bien que salutaire à bien des égards, n'a pas reçu de satisfecit politique à la hauteur des attentes de son auteur.
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Sur la forme comme sur le fond, des observateurs s'interrogent. D'abord sur la forme, vu l'importance des mesures annoncées, il aurait été plus judicieux, conformément à la courtoise républicaine, que le Chef de l'Etat fasse ces annonces, lui-même. Par rapport à ses prérogatives régaliennes dévolues par la constitution, une adresse à la nation, ou, à travers un discours sur l'état de la nation devant le parlement ou encore dans une moindre mesure, un décret pris en conseil des ministres avant d'instruire le premier ministre de présenter un projet de loi portant collectif budgétaire, par rapport au budget de l'Etat exercice 2022 en cours d'exécution. Il s'agit-là d'un manquement républicain surtout que le Chef de l'Etat affirme dans son communiqué vouloir « renforcer l'inclusion et l'harmonie sociale et consolider la paix.. » conformément à son engagement.
De ce fait, un communiqué signé du Chef de l'Etat, lu par le ministre de l'Economie et des Finances à la Télévision Nationale, contenant des mesures qui entraînent une augmentation des dépenses publiques dans l'ordre de 4% du budget initial de l'Etat est une violation des articles 4 et 5 de la Loi Organique portant Loi des Finances, une manière délibérée de se soustraire de la réédition des comptes.
Sur le fond, les mesures contenues dans le communiqué du Chef de l'Etat du 16 septembre dernier induisent une dépense additionnelle de 87,8 milliards sans compter ce que représente les 5% de revalorisation de la pension de retraite. La question fondamentale que l'on doit se poser est de savoir s'il s'agit d'une réaffectation budgétaire ou d'une nouvelle affectation de nouvelles ressources à la suite d'un nouveau boom du phosphate comme ce fut le cas en 1974 à la suite des chocs pétroliers dus à la guerre israélo-arabe et la révolution iranienne surtout que l'histoire est en train de se répéter. C'est pour cette raison que nous pensons qu'un vrai discours sur l'état de la nation devant le parlement s'impose pour situer les uns les autres et rendre vraiment compte au peuple de la situation réelle de notre pays face à d'énormes bouleversements de notre histoire. Il est à noter que, contrairement à l'engagement du Chef de l'Etat et du gouvernement à travers les objectifs du PND déclinés en feuille de route 2020-2025 du gouvernement ,les mesures prises par le Chef de l'Etat et annoncées par le ministre Yaya Sani ne peuvent contribuer en rien à la « création de la richesse, mais plutôt contribuent à gérer la misère », comme le disait l'économiste togolais Thomas Koumou, Président de l'association Veille Economique, ces mesures permettent au Chef de l'Etat « d'acheter la paix sociale ».
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Ce qui est évident, c'est que, ces mesures sont des mesures conjoncturelles alors que le problème économique du Togo est structurel dont les défis doivent être envisagés non seulement à travers des solutions à court terme comme c'est le cas mais aussi à moyen et long terme. Il est indéniable que si les mesures annoncées par le Chef de l'Etat dans son communiqué du 16 septembre ne sont pas suscitées par des recettes additionnelles survenues en plein exercice du budget initial, elles vont indubitablement grever encore le compte du déficit permanent de l'Etat qui est déjà endémique depuis plus de 10 ans et qui ne fait qu'alimenter la dette publique de l'Etat dont, personne ne connait à ce jour, le mécanisme pour la faire diminuer et prévenir les problèmes futurs.
Nous ne le dirons jamais assez, les dépenses de l'Etat pour le budget exercice 2022 ont dépassé systématiquement ses recettes et pour l'équilibre budgétaire, il a fallu à ce jour, pour le compte de l'exercice de cette année, une mobilisation financière sur le marché financier régional de pas moins de 407 milliards récoltés depuis le début de l'année sous la forme de « stratégie de relance de l'économie » à moyen terme. Pour une économie presque totalement extravertie, une augmentation des salaires et pensions de retraite c'est-à-dire les revenus des personnes physiques, donc l'agrégat de la masse salariale n'entraîne pas automatiquement l'augmentation de la production locale. Ce qui signifie que l'effet multiplicateur est presque nul sur l'économie locale, alors que plus de 70% de la population relève des secteurs primaire et secondaire avec plus de 32% de la population active qui beigne dans le sous-emploi.
On comprend dès lors que, aucune des mesures annoncées n'aura un impact significatif sur l'économie malgré une augmentation de 4% des dépenses budgétaires et démontre le caractère très aléatoire du modèle économique de notre pays, surtout que la mesure qui concerne la stabilisation des prix des engrais est la plus absurde si ce n'est « le médecin après la mort ». Il s'agit là d'un véritable gâchis qui repose alors la question de la gestion et de la responsabilité gouvernementale c'est-à-dire la question de la bonne gouvernance, une gouvernance sans vision. Dans ces conditions « l'émergence en 2030 » devient de plus en plus hypothétique. Toute la responsabilité de l'équipe gouvernementale est engagée ici. Samuel Éto'o disait en guise de conseil à son équipe nationale « J'ai raté les coupes du monde parce que je n'avais pas de groupe humainement bon ».
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L'égoïsme, l'égocentrisme et la suffisance qui transparaissent à travers le communiqué de 16 septembre est le reflet de la gouvernance que nous avons constatée depuis un temps qui n'est rien d'autre que le cache sexe du gouvernement Tomegah-Dogbé dont les limites dans la gestion du bien commun montre une équipe qui humainement ne privilégie pas la complémentarité et la solidarité. Selon un préjugé bien ancrée chez nous, « les folies de la génération actuelle seront payées par ses enfants et petits- enfants ». Vouloir résoudre un problème de déficit déjà criard par un déficit, c'est comme continuer à vouloir remplir une jarre trouée c'est-à-dire vouloir remplir les tonneaux des Danaïdes. Ce qui explique la gêne du gouvernement Tomégah à respecter la procédure et la discipline républicaine telle que constatée.
En situation de récession économique telle que ce qui se passe dans notre pays depuis plusieurs années, ces mesures destinées seulement à « renforcer l'inclusion sociale et consolider paix » ne suffisent pas. Il faut plutôt avoir le courage de faire des réformes économiques profondes pour changer tous les paradigmes afin de moderniser tout le système de production de l'économie du pays. Pour le faire, il faut être un visionnaire comme ce qui se fait au Maroc ou au Rwanda.
Avec Le Correcteur
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