Pour priver les putschistes d'alibis. Si un coup d'État paraît invraisemblable au Ghana, au Cap-Vert ou au Sénégal, c'est parce que la démocratie, dans ces pays, a atteint un niveau de maturité tel que les problèmes les plus graves se résolvent autrement que par les armes, et que les militaires ne peuvent oser se substituer à l'élite politique.
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Au Mali, la croissance devrait stagner, cette année, selon la Banque mondiale, qui prévoit qu'elle pourrait même s'avérer négative. Cette contre-performance découlerait de l'effet conjugué de la persistance de la violence armée et des sanctions économiques de la Cédéao. L'économie malienne serait-elle sur le point de s'écrouler ? Les sanctions marcheraient-elles donc ?
Qu'elle s'écroule ou pas, cela ne profitera à personne. Ces sanctions intempestives, sans « plan B », n'ont fait que confirmer l'impasse d'une décision autoritaire, qui a sous-estimé ce que la Cédéao avait à y perdre. Pour avoir trop souvent gardé un mutisme gêné pendant que l'on massacrait, ici la Constitution, là la population, la Cédéao a contribué à générer les conditions déterminantes pour les coups d'État, désormais bel et bien de retour en Afrique de l'Ouest. Et la Cédéao ne peut ordonner aux putschistes de regagner immédiatement leurs casernes, en espérant être écoutée.
C'est le signe que le temps est venu de laisser les peuples assumer leurs erreurs, plutôt que de vouloir leur imposer des choix que l'on croirait bons pour eux. S'ils veulent applaudir les putschistes, à eux de l'assumer. Regardez donc comme le peuple soudanais souffre, se bat, dans l'indifférence, pour mettre fin à la confiscation du pouvoir par une junte brutale et perfide ! Il souffre. Mais, tôt ou tard, il prendra le dessus, et la victoire découlant de cette abnégation ne sera que plus solide, plus durable.
Laisser les Maliens s'assumer, c'est aussi s'abstenir d'alimenter ce qui peut les distraire. Comme cette impression d'être toujours en train de se battre contre un adversaire, sinon un ennemi extérieur. Pendant ce temps, les putschistes ne répondent de rien. Lorsque Rawlings prend le pouvoir au Ghana, en 1979, il n'a pas besoin de deux discours pour que ses jeunes compatriotes comprennent où il veut conduire la nation. C'est cela, le leadership visionnaire ! Il leur a fallu tant et tant d'efforts, mais, au bout, le Ghana qu'ils ont bâti offre l'épanouissement à tous les talents. Un président sortant peut y être battu après son premier mandat. Et si le peuple lui en accorde un second, jamais il n'oserait des manœuvres pour s'en offrir un troisième.
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Faut-il comprendre que certains putschistes prennent le pouvoir sans aucune vision ?
C'est l'impression que l'on a, parfois, avec ces pléthores de conseillers plus ou moins occultes autour des putschistes, qui rivalisent d'autant plus de zèle que leur destin, souvent, est éphémère.
Lorsque la voie que vous lui indiquez est claire, cohérente et convaincante, et que vos priorités ne vont pas changeantes, votre peuple vous suivra, cinq ans, plus, s'il le faut, dès lors que vous lui inspirez suffisamment confiance pour le protéger, le défendre et l'élever vers un destin clément.
Justifier un coup d'État par les seules erreurs ou les incohérences des prédécesseurs ne saurait suffire, pas plus que la promesse de corriger ces erreurs ne peut légitimer un régime d'improvisation permanente, sans obligation de résultats. À l'évidence, la Cédéao est incapable de remettre en selle les chefs d'État renversés. Pourquoi, alors, ne pas s'essayer à prévenir les coups d'État ? Après tout, si, au milieu de la nuit, l'on vous annonçait qu'il y a un coup d'État au Ghana, au Cap-Vert ou au Sénégal, vous répondriez que c'est une plaisanterie ! Parce qu'en Afrique de l'Ouest, la maturité démocratique, dans ces États (et dans deux ou trois autres), rend les coups d'État à peu près inimaginables. Pourquoi, alors, chaque nation ne travaillerait-elle pas pour se hisser à ce niveau, qui priverait les apprentis-putschistes d'alibis pour perturber la vie politique ?
Chronique de Jean-Baptiste Placca du 28 mai 2022
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